Milgram de Savoirs entend être un podcast de psychologie
« scientifique » … mais qu’entend-on exactement par ce mot ?
Décréter la « scientificité » d’un travail est une tâche complexe, d’autant plus que refuser d’attribuer ce qualificatif à des travaux peut être perçu comme une disqualification de ceux-ci. Les philosophes s’empoignent sur cette question depuis plusieurs siècles et ce n’est certainement pas nous, psychologues sociaux, qui allons trancher de façon définitive ce débat (si tant est que ce soit possible). Nous assumons donc ici une certaine subjectivité dans notre approche de la scientificité.
Voici quelques critères qui constituent, pour nous, des gages de scientificité, et qui jouent dans le choix de nos thématiques et invité-e-s :
1. La volonté, chez les chercheuses et chercheurs, d’au moins partiellement se départir de leur subjectivité – et notamment, leurs préconceptions idéologiques – dans leurs travaux. Si aucune recherche n’est entièrement neutre politiquement (surtout en sciences humaines), il nous semble néanmoins nécessaire d’aspirer à s’en départir, au moins au moment de la confrontation des hypothèses aux données empiriques et dans l’interprétation des résultats.
2. De façon liée, il nous semble important de distinguer le registre scientifique (qui vise à décrire et analyser rigoureusement les phénomènes) du registre politique/militant (qui vise à agir sur ces phénomènes). Il est bien sûr tout à fait possible d’être à la fois scientifique et militant-e, de faire partie d’une communauté religieuse ou d’avoir des opinions politiques fortes. Il nous semble également normal que nos idéaux influencent nos recherches (par exemple, en orientant nos hypothèses). Néanmoins, nous pensons que la production de connaissances scientifiques nécessite d’avoir conscience qu’il s’agit de deux registres distincts. Notre podcast est centré sur le registre scientifique.
3. La confrontation de ses cadres théoriques et des hypothèses qui en découlent à des tests empiriques aussi rigoureux et méthodiques que possible. La rigueur et la méthode ne sont pas décrétées par tout un chacun-e, mais tributaires de la réflexion méthodologique propre à chaque discipline.
4. Nous avons conscience des limites du critère de réfutabilité proposé par Popper [1] . Néanmoins, nous pensons a minima que le travail scientifique doit être particulièrement attentif et ouvert à ce qui est susceptible de l’invalider – et ne pas chercher à tout prix à confirmer ses intuitions initiales ou son cadre théorique. De ce fait, nous pensons que l’organisation sociale « amicalement hostile [2] » de la recherche (incarnée dans les processus de la revue par les pairs et de la controverse scientifique) et le processus auto-correctif qui en découle sont des gages de scientificité.
Si la plupart d’entre nous est davantage familiarisé avec des méthodes quantitatives, nous sommes ouverts aux méthodes d’analyse qualitatives ; nous ne voyons pas d’opposition de principe entre ces deux familles méthodologiques et nous croyons en la complémentarité des méthodes. Au contraire, nous tendons à voir ces méthodes comme complémentaires dans de nombreux cas.
Si vous n’êtes pas d’accord avec notre approche de la scientificité, nous le comprenons, et assumons encore une fois la subjectivité de notre ligne éditoriale. Nous tenons enfin à signaler que de nombreux travaux sont très intéressants, mais sortent du registre scientifique (c’est le cas, par exemple, de la philosophie). De ce fait, ces travaux n’entrent pas dans la ligne éditoriale de notre podcast.
[1] La réfutabilité est le critère qu’avait proposé en 1934 le philosophe autrichien Karl Popper (1902-1994) pour distinguer sciences et pseudo-sciences. Selon lui, une théorie peut être considérée comme scientifique seulement s’il est possible, au moins en principe, de l’invalider par l’observation ou l’expérimentation. A l’inverse, le propre des pseudo-sciences serait qu’elles peuvent tout expliquer, y compris une chose et son contraire. A l’époque, Popper prend la psychanalyse comme exemple de théorie pseudo-scientifique. Selon lui, la psychanalyse n’est pas une science car les arguments de l’inconscient et du refoulement permettent d’expliquer tout et son contraire.
[2] Il s’agit, encore ici, d’une expression empruntée à Popper. Nous souhaitons néanmoins souligner qu’il s’agit d’une métaphore, et que nous pensons que l’idéal d’une science “autocritique” n’exempte pas de respecter des valeurs humaines fondamentales de respect et d’égard vis-à-vis des personnes qui font la recherche.