L’inconfort d’être incohérent·e avec soi-même: la dissonance cognitive en détail avec David Vaidis

Dans l’épisode 100g précédent, nous vous présentions la dissonance cognitive : cet inconfort que l’on ressent lorsqu’on est confronté à deux cognitions qui se contredisent (vous pouvez écouter l’épisode ici).  Cette semaine, nous revenons plus en détail sur ce sujet avec une interview avec David Vaidis, chercheur à l’Université de Paris au sein du laboratoire de psychologie sociale et spécialiste sur le sujet. Nous nous demandons notamment: pourquoi sommes nous inconfortables face à la dissonance ? Et est-ce que nous sommes toutes et tous sensibles de la même manière à ce phénomène.

Lexique

Une cognition, c’est le construit psychologique qui renvoie à une connaissance ou un savoir, par exemple lorsqu’un individu apprend quelque chose ou observe quelque chose. Cela concerne de nombreux processus intellectuels (l’attention, la formation des connaissances, les mémoires, l’évaluation, la prise de décision, le langage, etc.)  

Théorie de l’auto-perception et l’école de Daryl Bem : dans sa théorie, Bem soutient l’idée que les attitudes et opinions que les individus ont d’eux-même découlent d’observation de leur comportement. De la même manière que l’on jugera quelqu’un sur son comportement, on formera un jugement sur nous-même en observant notre comportement (voir ici pour plus de détails sur les travaux de Bem).

Le behaviorisme est un courant de la psychologie qui, entre autres, tend à expliquer le comportement observable des individus comme le résultat de réflexes développés suite  à leurs interactions avec leur environnement (en réponse à des stimuli) et non pas comme le résultat de processus psychologiques. 

En psychologie, une attitude est une évaluation plus ou moins favorable que l’on a d’un objet ou d’une personne. Un changement d’attitude consiste à voir cette évaluation évaluer soit dans un sens plus favorable soit dans un sens moins favorable. 

Action based model de Eddie Harmon-Jones :Le ‘action-based’ model est un model qui suppose que beaucoup de cognitions ou perceptions poussent les individus à agir d’une certaine manière. Selon ce modèle, la contradiction entre deux cognitions n’est pas automatiquement aversive:  c’est seulement lorsque deux cognitions qui ont des implications sur le comportement qui sont conflictuelles, que cette contradiction est assertive, et génère de la dissonance  (vous pouvez trouver plus de détails sur ce modèle ici)

La violation des attentes est un paradigme qui étudie la réaction des individus face à une violation imprévue des attentes (c’est-à-dire ce que les individus prévoient initialement qu’il va se passer) dans une situation donnée. Plus de détails ici 

Jean Piaget (1896-1980) était entre autres un psychologue et biologiste. Ses travaux ont notamment permis d’avancer la compréhension sur ce qu’est l’intelligence, qu’il définit comme une forme d’adaptation à son environnement. Selon lui, la pensée humaine n’est pas simplement innée mais se forme au fur et à mesure suite au contact avec l’environnement (vous pouvez retrouver plus d’informations sur Piaget et ses travaux ici). 

La norme d’internalité est une tendance psychologique qu’ont les individus à expliquer les comportements selon des facteurs internes   (“on est  responsable de ses actes et responsable de ce qui nous arrive”), plutôt que des facteurs externes (“l’environnement joue un rôle important dans nos actes et ce qui nous arrive”) . Cette norme d’internalité concorde avec l’idée que l’on vit dans une méritocratie, un monde où l’on réussit car l’on a du mérite, que notre comportement – dont on est responsable –  nous a permis de réussir.

Les études de Milgram sur la soumission à l’autorité sont des études menées dès le début des années 50, dans lequel les participant·es devait infliger une décharge électrique à une autre personne en suivant les indications d’un·e chercheur, qui représentait l’autorité. Aucune décharge n’était en réalité infligée. Ces expériences cherchaient à étudier le comportement des individus lorsqu’ils sont dans un contexte ou une autorité est présente. Ces études ont eu un grand retentissement dans l’opinion publique. Nous vous invitons à écouter notre premier épisode qui porte sur ce chercheur et ses expériences.

Une explication au niveau proximal se réfère à une explication qui cherche à se baser le plus possible sur un élément atomique ou un organe, par exemple une zone du cerveau.   

Le paradigme du choix est un paradigme dans lequel les participant·es sont invités à faire un choix entre deux alternatives jugées équivalentes. Cela peut amener à une dissonance car les deux objets sont équivalents.  Ce paradigme cherche à montrer que pour résoudre cette dissonance, les individus vont chercher à donner du sens à leur choix afin de résoudre la dissonance induite. Ils auront donc tendance à refaire le même choix par la suite. 

Le principe de contingence est un principe selon lequel nous avons besoin de comprendre notre environnement. Il en découle que  les mécanismes internes des individus varient avec l’environnement qui les entourent afin qu’ils puissent s’y adapter.

Le besoin de clôture est le besoin de ne pas être dans l’ambiguïté, mais au contraire de recevoir des réponses ou informations claires qui répondent à des incertitudes que l’on a ou des questions que l’on se pose.  

Le besoin de cognition et la tendance chez les individus à raisonner et réfléchir à l’environnement qui les entourent pour le comprendre. 

Le besoin de structure est la nécessité chez certains individus d’organiser ou structurer les informations qu’ils reçoivent. Structurer l’information permettrait de simplifier et réduire le nombre d’informations à traiter. Ce besoin est lié au dogmatisme, une idéologie qui soutiendrait l’idée qu’il existe une vérité universelle et incontestable. Ce besoin est aussi lié à la tolérance à l’ambiguïté, qui est la tendance à accepter ou tolérer de l’ambiguïté dans une situation ou une information.

Les régulations palliatives sont des régulations qui ne vont pas agir directement sur  l’inconsistance, à la source de  dissonance elle-même. Ce sont des stratégies qui visent à réduire l’état de tension mais sans adresser directement les sources de contradiction, par exemple manger de manière compulsive. 

Pour aller plus loin

Livre écrit par David Vaidis au sujet de la dissonance cognitive: Vaidis, D. (2011) La dissonance cognitive, approches classiques et développements contemporains. Dunod.

Retrouvez la liste de ses travaux ici

Vous pouvez aussi consulter les articles et ouvrages suivant si vous voulez vous renseigner d’avantage sur la dissonance cognitive et ses mécanismes:

Festinger, Leon. 1962. A theory of cognitive dissonance. Stanford, CA: Stanford Univ. Press.

Schachter, S., Festinger, L., Riecken, H.-W. (1993) L’échec d’une prophétie – Psychologie sociale d’un groupe de fidèles qui prédisaient la fin du monde. PUF.

Brehm, J., W., & Cohen, A., R., 1962. Explorations in cognitive dissonance. Wiley.

Harmon-Jones, E., Harmon-Jones, C., & Levy, N. (2015). An action-based model of cognitive-dissonance processes. Current Directions in Psychological Science, 24(3), 184-189. https://doi.org/10.1177/0963721414566449