Apprendre en dormant, c’est possible ?! Entretien avec Philippe Peigneux

Dans cet épisode, nous interviewons Philippe Peigneux, professeur en Neuropsychologie clinique à l’Université Libre de Bruxelles et directeur de l’unité de recherche en neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle. Avec lui, nous discutons du sommeil et de ses effets sur l’apprentissage et la mémoire. Dans cet épisode, nous nous concentrons sur l’effet du sommeil sur des sujets sains. 
Nous remercions Eléna Louazon qui s’est occupée de la technique sur cet épisode.

Quelques citations marquantes

  • “On a prouvé depuis longtemps que l’on change d’état, de profil d’activité lorsque l’on dort mais notre cerveau continue à travailler”.
  • “Même quand on ne rêve pas, notre cerveau continue à traiter de l’information”.
  • “Le sommeil est un stade multifonctionnel (…) il s’agit d’un besoin vital à plusieurs processus humains.”
  • “La mémoire (humaine) n’est pas une inscription sur un disque dur, c’est quelque chose d’assez dynamique qui se reconstruit (…). (Par le sommeil) nous pouvons lui donner une forme un petit peu plus stable (…). C’est le rôle du sommeil dans la consolidation en mémoire”.
  • Certaines études ont montré que l’on peut faire du conditionnement pendant le sommeil mais cela se limite à des associations très simples, par exemple une odeur qui est associée au fait de respirer plus fort. Mais cela ne fonctionne plus lorsqu’on demande au cerveau un traitement plus complexe pendant que l’on dort.
  • “Chez l’oiseau, l’activité neuronale associée à l’apprentissage du chant est rejouée également pendant le sommeil”
  • “Ce qui fait un bon sommeil (ce n’est pas tant de se fixer un nombre d’heures déterminé ; bien que la tranche entre 6 et 10 heures soit suggérée) mais c’est de se sentir reposé (…) et d’écouter ses besoins”

Lexique 

Consolidation (mnésique) : processus par lequel l’information mnésique est réorganisée dans notre cerveau de telle sorte que les souvenirs deviennent indépendants des régions hippocampiques et s’implémentent au niveau des neurones corticaux.

Neuronal replay : réactivation, pendant le sommeil (principalement à ondes lentes), de l’activité neuronale (hippocampique) spécifique qui a été activée pendant une expérience donnée en vue de l’encodage (plus permanent) en mémoire des informations qui s’y référent. La mise en évidence du neuronal replay est un des éléments prouvant le rôle actif joué par le sommeil dans la consolidation mnésique.

Hippocampe (régions hippocampiques) : est l’une des structures cérébrales du système nerveux central des mammifères qui a été la plus étudiée. Situé en profondeur de notre cerveau, l’hippocampe est notamment impliqué dans la mémoire et l’apprentissage. Certaines cellules de l’hippocampe participeraient également au codage de mesures de temps, de distance et de localisation dans notre cerveau.

Réactivation mnésique ciblée (ou TMR, targeted memory reactivation) : re-exposition de sujets, pendant leur sommeil non-REM, à des indices verbaux ou sensoriels qui ont été préalablement associés avec du contenu d’apprentissage pendant une phase dite d’encodage précédant le sommeil.

Pour aller plus loin

Peigneux, P., Laureys, S., Delbeuck, X., & Maquet, P. (2001). Sleeping brain, learning brain. The role of sleep for memory systems. Neuroreport, 12(18), A111-A124.

Peigneux, P., Laureys, S., Fuchs, S., Collette, F., Perrin, F., Reggers, J., … & Maquet, P. (2004). Are spatial memories strengthened in the human hippocampus during slow wave sleep?. Neuron, 44(3), 535-545.


Klinzing, J.G., Niethard, N. & Born, J. Mechanisms of systems memory consolidation during sleep. Nat Neurosci 22, 1598–1610 (2019). https://doi.org/10.1038/s41593-019-0467-3