Stéréotypes, préjugés et discrimination… c’est quoi la différence ?

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Si mille grammes ne rentrent pas dans le programme, pourquoi pas une dose de 100 le temps d’un instant ?

Cet épisode vous est aujourd’hui conté par Sarah Leveaux.

Penser que le foot ce n’est pas pour vous parce que vous êtes une fille, essuyer un regard jugeant parce que vous commandez du cheesecake et que vous êtes en surpoids, se voir refuser un emploi parce que vous êtes racisé.e, entendre des moqueries sur les lesbiennes et les gays, ou penser que vous ne pouvez pas exprimer vos peurs ou votre tristesse parce que vous êtes un homme… Ces énonciations ne vous semblent certainement pas si dissonantes et peut-être même vous identifiez-vous à certaines d’entre elles !

Que l’on parle de racisme, d’homophobie, de sexisme, d’âgisme (c’est-à-dire de discrimination sur base de l’âge), de grossophobie, ou autre, il s’agit là de situations où s’expriment des croyances, des attitudes négatives ou des comportements différentiels vis-à-vis de catégories de personnes dans la société. Elles peuvent être expliquées grâce aux notions de stéréotypes, de préjugés et de discrimination dont vous avez très certainement déjà entendu parler et que l’on entend souvent autour de nous.

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Quelles sont les différences entre stéréotypes, préjugés et discriminations ? 

Dans le langage courant, la confusion est souvent faite entre ces termes, pourtant il existe bien une différence entre chaque concept et ils expliquent ensemble comment nous pouvons passer de la pensée à l’acte : de l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes, à l’action de moins engager des femmes pour des postes à responsabilité, par exemple. 

D’abord, les “stéréotypes” peuvent être définis comme “des croyances et des opinions concernant les caractéristiques, les attributs et les comportements de membres de divers groupes” [1]. Ce sont des idées sur les individus appartenant à des groupes, sur la base d’attributs physiques, d’origines, d’idéologies, etc. Plus concrètement, il s’agira de la couleur de la peau ou le sexe biologique, l’origine culturelle ou sociale, l’orientation politique ou religieuse. On retrouvera alors les idées selon lesquelles les femmes ne savent pas conduire, les roms volent, les pauvres sont paresseux.ses. Souvent, ces croyances sont bien ancrées, rigides et difficiles à changer et ce, même lorsque nous sommes confronté.es à des contre exemples : comme une femme excellente conductrice ou cheffe d’entreprise, ou encore… un parisien ou une parisienne chaleureuse et agréable. En plus, ces préconceptions vont orienter ce que l’on va percevoir des autres (on va par exemple principalement remarquer les situations qui confirment nos stéréotypes).

Ensuite, ce que l’on nomme “préjugé” est la dimension affective et émotionnelle dans le rapport aux autres. Le sens du mot préjugé dans la littérature scientifique (traduction de prejudice en anglais) fait référence à ce qu’on appelle sexisme, racisme, etc., dans le langage courant. Les préjugés seront donc les attitudes (ou les évaluations) que nous aurons envers des personnes à cause de leur appartenance à un groupe social précis [1]. C’est-à-dire que si j’ai un ressenti négatif, une émotion négative lorsque l’on m’évoque un groupe social, comme les réfugié·es, on dira alors que j’ai des préjugés envers ce groupe. Les préjugés sont appris à travers la culture (via des expressions, des façons de parler ou de nous comporter envers certains groupes) mais elles s’enrichissent aussi au cours de la vie des individus avec leurs expériences [1,2]. 

Enfin, la “discrimination” correspond au fait de traiter différemment des individus en raison de leur appartenance à un groupe social [1]. Mais attention, la discrimination n’est pas exclusivement négative, même si elle est principalement évoquée comme telle, elle peut également mener à traiter plus positivement quelqu’un.e à cause de son appartenance sociale. Par exemple, le fait de rendre prioritaires les personnes non valides ou ayant un handicap dans différents établissements publics comme les caisses de supermarchés ou de lieux de culture, est une forme de discrimination positive. À l’inverse, le refus d’employer des personnes à cause de leur origine, de leur orientation sexuelle ou de leur âge, est une forme de discrimination négative. Les stéréotypes et préjugés vis-à-vis de certains groupes sociaux peuvent donc mener à des comportements traitant injustement certains individus à cause de leur genre, de leur origine ethnique, de leur âge, etc. 

La discrimination sera donc principalement la mise en action et le reflet de nos stéréotypes et de nos préjugés. Si les stéréotypes et les préjugés sont des connaissances et des attitudes par rapport aux groupes qui composent la société, ce sont ensuite les comportements de discrimination (positifs comme négatifs) qui permettront de les voir s’exprimer. Prenons l’exemple d’une grand-mère dans un ascenseur qui verrait une personne racisée rentrer également. Si elle connaît le stéréotype selon lequel les étrangers sont des voleurs et qu’elle a des préjugés plutôt négatifs par rapport aux personnes étrangères racisées, alors elle pourra tenir son sac parce qu’elle a peur de se faire voler, voire même interdire la personne de rentrer dans l’ascenseur avec elle. Néanmoins, le lien entre ces trois concepts n’est pas linéaire ni rigide ou univoque. Dans d’autres configurations, il arrivera aussi que nous puissions créer ou modifier des stéréotypes à propos d’un groupe de personnes, à posteriori, pour justifier une attitude négative ou une discrimination faite à l’égard de ce groupe. 

Une petite anecdote sur les stéréotypes et préjugés est le sens derrière l’expression : “faire du travail d’arabe”. Aujourd’hui la connotation est très péjorative et indique quelque chose de notre rapport à ce groupe social, alors qu’en réalité, à l’origine, cette expression qualifiait une tâche soignée, délicate, et le raffinement d’un travail. C’est ensuite la colonisation et le racisme qui lui ont associé cette teneur péjorative qu’on lui connaît actuellement [3]. 

Finalement, s’intéresser aux stéréotypes et aux préjugés passe par questionner leurs fonctions dans le maintien du système social existant. Effectivement, un de leurs rôles est de permettre le maintien et la justification des inégalités entre les différents groupes sociaux [4, 5]. Alors… peut-être que nos à priori négatifs comme positifs sur les minorités, les pauvres, les femmes, viennent maintenir et justifier un système patriarcal ou encore un système capitaliste, en place ?

Un exemple intéressant de cela est le « sexisme bienveillant », qui va venir enraciner les inégalités de genre sous couvert d’une attitude positive et valorisante. En décrivant les femmes comme des êtres purs, chaleureux, empathiques et aimants. Cette attitude subjectivement positive suggère également que les femmes sont fragiles et qu’elles ont besoin d’être protégées… mais par qui ? Je vous le fais en mille… par les hommes [5]. Sous-entendant un rapport de force inégalitaire entre hommes et femmes au profit des hommes. Le sexisme hostile comme bienveillant viennent donc enraciner des rôles de genre au détriment des femmes, justifiant du système patriarcal en place. Il est donc plus que pertinent de s’interroger et de chercher à comprendre les causes, mais aussi les conséquences de nos attitudes et nos comportements vis-à-vis des autres !

Nous vous remercions d’avoir écouté cette capsule de 100g de savoirs, réalisée par Sarah Leveaux, doctorante de l’Université Lumière Lyon 2 et Léa Dulion, masteurante en psychologie sociale et interculturelle à l’Université libre de Bruxelles ; avec les relectures de Julia Eberlen, Pascaline Van Oost et Olivier Klein. Nous vous retrouvons très vite pour de nouveaux épisodes passionnants ! 

Références

[1] Whitley, B. & Kite, M. (2013). Psychologie des préjugés et de la discrimination. De Boeck Supérieur.

[2] Fiske, S. T. (1998). Stereotyping, prejudice, and discrimination. In D. T. Gilbert, S. T. Fiske, & G. Lindzey (Eds.), Motivated social perception (pp. 233-246). Erlbaum.

[4] Kay, C. A., Jost, J. T., Mandisozda, A. N., Sherman, S. J., Petrocelli, J. V., & Johnson, A. L. (2007). Panglossian Ideology in the Service od System Justification: How Complementary Stereotypes Help us to Rationalize Inequality. Advances in experimental social psychology, 39(1), 305-358. https://doi.org/10.1016/S0065-2601(06)39006-5

[5] Sarlet, M. & Dardenne, B. (2012). Le sexisme bienveillant comme processus de maintien des inégalités sociales entre les genres. L’Année psychologique, 112, 435-463. https://doi.org/10.3917/anpsy.123.0435