Remarque: Dans l’audio de cette épisode, nous avons mal prononcé le nom de notre autrice, Katherine (Kate) Gibb, et non Gibbs. Vous pouvez la trouver @katherineegibb sur twitter. Vous pouvez également trouver la version anglais du texte, comme il était écrit par Kate, à la fin de la transcription français après les références. Les petits changements dans la version françaises sont du aux différences de standard de beauté de style de langage entre l’anglais et le français.
Dans le documentaire “14 peaks : Nothing is Impossible”, nous suivons le parcours de l’alpiniste népalo-britannique Nirmal Purja. Son objectif ? Braver le froid glacial et les conditions extrêmes dans le but de réaliser un exploit impensable : escalader 14 sommets en sept mois. Un défi incroyable pour une personne qui l’est tout autant… En effet, comme l’affirme Nirmal: “ma plus grande force est que je n’ai pas peur”. Des histoires comme celle-ci nous font prendre conscience de la grande diversité des personnalités. En effet, battre des records sur des sommets de plus de 8000 mètres d’altitude peut être un rêve pour certaines personnes particulièrement intrépides, mais un cauchemar pour d’autres davantage soucieuses de leur sécurité. Il suffit d’observer nos propres relations pour avoir un aperçu de la diversité des personnalités humaines, mais aussi pour constater nos similitudes avec les autres : certaines personnes aiment les mêmes choses que nous, ou ressentent les mêmes émotions dans des situations similaires. Par exemple, juste avant un entretien d’embauche important, nous allons presque tous et toutes être nerveuses.
Comme vous l’aurez sans doute compris, dans cet épisode, nous allons explorer la notion de personnalité. La personnalité inclut les schémas de pensée, de sentiments et de comportements stables à travers le temps pour une personne. Pourquoi sommes-nous différents ? Comment se manifestent ces différences ? Ces questions sont au centre des travaux des chercheurs et chercheuses en psychologie de la personnalité, mais font également partie des grandes questions que l’on se pose toutes et tous.
Pourquoi sommes-nous différents ?
Remontons un peu dans le temps, car ette interrogation ne date pas d’hier. Les premières théories sur la personnalité datent de plus de 2000 ans. Théophraste – un successeur d’Aristote – se demandait déjà à l’époque : “Comment cela se fait-il, alors que toute la Grèce se trouve sous le même ciel et que tous les Grecs sont éduqués de la même manière, qu’il nous arrive d’avoir des caractères si diversement constitués ?”
Cette question n’est toujours pas résolue aujourd’hui. Les chercheurs et chercheuses de nombreuses disciplines s’interrogent encore sur la question posée par Théophraste : pourquoi sommes-nous toutes et tous différents ?
Les travaux scientifiques nous ont appris que l’environnement compte : par exemple, les études sur le stress au début de la vie et le comportement à l’âge adulte laissent entrevoir un rôle des expériences précoce de stress dans l’explication de nos différences. D’autres recherches en pleine effervescence – et parfois controversées – suggèrent que certains gènes pourraient être en partie responsables de variations de la personnalité.
On pourrait se demander pourquoi l’évolution des espèces permet une telle variabilité dans la personnalité humaine. Une personnalité optimale ne serait-elle pas préférable à toutes ces variations ? Des travaux interdisciplinaires sur les animaux et les humains suggèrent qu’en fait, il n’existe pas de personnalité optimale. Au contraire, certaines caractéristiques de la personnalité sont coûteuses ou avantageuses selon l’environnement dans lequel on se trouve. Selon Daniel Nettle, spécialiste en sciences du comportement et chercheur incontournable dans ce domaine, “la vie consiste en partie à trouver une niche dans laquelle vos caractéristiques personnelles vous conviennent”. En termes d’évolution, il faut se rappeler que la chose la plus importante est la capacité à survivre suffisamment pour se reproduire. Rappelez-vous Nirmal Purja, l’alpiniste, et son absence autoproclamée de peur. Sa quête est perçue comme noble par de nombreuses personnes, ce qui augmente son succès reproductif. Autrement dit, il a davantage de chances de transmettre ses gènes à une progéniture. Mais dans d’autres contextes, l’absence de peur peut aussi vous mener à une mort certaine – par exemple, en temps de guerre, ou dans des environnements remplis d’animaux sauvages qui n’ont qu’une envie : vous dévorer tout cru…
Les tests objectifs de personnalité et le Big Five
Pour comprendre en quoi et dans quelle mesure les gens sont différents, les spécialistes du domaine ont conçu des tests qui ont pour but de mesurer la personnalité. Ces tests dits objectifs partent du principe que la personnalité peut être mesurée par le biais de l’auto-évaluation. Autrement dit, la personnalité est mesurée en demandant aux individus de répondre à de nombreuses questions qui concernent leur fonctionnement. Par exemple, on leur demandera dans quelle mesure ils se reconnaissent dans l’affirmation suivante : “Je me vois comme quelqu’un qui s’intéresse à de nombreux sujets.”.
Actuellement, une des méthodes les mieux établies scientifiquement pour mesurer la personnalité est l’approche des cinq grands traits : les “big five” en anglais. Cette approche est le fruit de décennies de recherches sur les différences individuelles stables. Les chercheurs et chercheuses ont examiné les réponses à des centaines de questions sur la personnalité posées à des dizaines de milliers de personnes. Grâce à des méthodes statistiques, les chercheurs et chercheuses ont découvert que cinq grands traits généraux expliquent de nombreuses différences dans la personnalité humaine. Ces traits sont désignés par l’acronyme OCEAN : ouverture d’esprit, conscienciosité, extraversion, agréabilité et neuroticisme.
Pour chacun de ces traits, le test de personnalité attribue un score. Par exemple, les personnes qui obtiennent un score élevé en ouverture d’esprit recherchent la nouveauté et peuvent être curieuses, imaginatives, philosophiques et/ou intellectuelles. Les personnes qui ont un niveau élevé de conscienciosité sont quant à elles méticuleuses, elles ont le souci de faire les choses le mieux possible. Les personnes avec un niveau élevé d’extraversion ont le goût de la fête et se réjouissent d’être le centre de l’attention. Celles qui ont un niveau élevé d’agréabilité sont considérées comme altruistes, chaleureuses et sympathiques. Enfin, les personnes ayant un niveau élevé de neuroticisme sont généralement enclines à éprouver des émotions négatives comme la peur et l’anxiété.
Les forces du Big Five
La validité du Big 5 est reconnue dans la recherche scientifique. Il peut nous aider à prédire un certain nombre d’aspects importants de nos vies. Par exemple, être une personne consciencieuse est associé à une espérance de vie plus longue de plusieurs années. Au niveau des relations, la conscienciosité (ainsi que l’agréabilité) est également liée à une plus grande satisfaction de notre partenaire.
En revanche, des niveaux élevés de neuroticisme sont associés à une durée de vie plus courte et semblent impacter négativement la qualité de vie. Par exemple, les personnes avec un haut niveau de neuroticisme ont davantage recours aux services de santé physique et mentale. Cela semble horrible, non ? Pas si vite ! La peur et l’anxiété sont d’anciens mécanismes qui nous protègent du danger, et ces émotions sont cruciales lorsque notre survie est en jeu. En revanche, dans des situations qui ne sont pas menaçantes, ces émotions peuvent effectivement devenir encombrantes… Même Nirmal l’alpiniste a besoin d’une once de neuroticisme pour prendre conscience des innombrables dangers de la montagne. L’agréabilité, qui inclut le souci ménager le ressenti d’autrui, est aussi à double tranchant : des niveaux très élevés de ce trait sont associés au trouble de la personnalité dépendante, qui se caractérise par un besoin excessif d’être pris en charge par autrui.
Des applications concrètes…
La force prédictive du Big Five en fait un outil redoutable. Les informations sur la personnalité peuvent être utilisées comme outil marketing pour cibler les consommateurs. En effet, votre personnalité peut être détectée sur la base du contenu et des comportements que vous affichez en ligne. C’est bon à savoir, non ? Par exemple, le système d’IA Watson d’IBM peut analyser un texte en fonction des cinq traits du Big Five. Les recherches qui en découlent ont montré, par exemple, que les individus plus ouverts sont davantage susceptibles de cliquer sur les publicités.
Conclusion
En conclusion, les Big Five sont un test centré sur les données et mesurant un certain nombre de caractéristiques censées refléter la personnalité de chacun. Il faut cependant rappeler qu’aucun test n’est parfait, pas même les Big Five. Une critique qu’on peut lui faire est que les cinq grands traits ne fournissent pas une description complète de la personnalité. Fort heureusement, nous ne sommes pas réductibles à cinq grands traits de personnalité ! Les Big 5 constituent une représentation schématique, et donc très incomplète, de ce que vous êtes. Même si d’autres tests – parfois plus complexes, – existent, comme le test HEXACO à six traits (REF), aucun ne pourra jamais entièrement vous cerner !
Plus d’informations
Si vous êtes toujours aussi curieux après cet abécédaire, voici quelques pistes à suivre
– Le test des Big Five est disponible en accès libre ou payant sur plusieurs sites Web. Ceci est un exemple de test en accès libre.
– Pour de plus amples informations sur ce sujet, le personality project est un recueil en ligne de pages Web sur la personnalité.
– Pour une lecture succincte de la personnalité et un examen plus approfondi des Big Five, Daniel Nettle a publié un livre merveilleux intitulé Personality : What Makes You the Way You Are.
Bibliographie
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Ashton, M. C., Lee, K., & Visser, B. A. (2019). Where’s the H? Relations between BFI-2 and HEXACO-60 scales. Personality and Individual Differences, 137, 71–75. https://doi.org/10.1016/j.paid.2018.08.013
Barrick, M. R., & Mount, M. K. (1991). The Big Five personality dimensions and job performance: A meta-analysis. Personnel Psychology, 44(1), 1–26. https://doi.org/10.1111/j.1744-6570.1991.tb00688.x
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Kate’s original text in English
The documentary film, “14 peaks: Nothing is Impossible” shows us the journey of a climber named Nirmal Purja who braves treacherous and glacial conditions with the goal of doing the unthinkable–climbing 14 peaks in seven months. It’s an incredible task for an incredible person. But as Nirmal claims, “My biggest strength is that I have no fear”. Stories like this make us aware of the great diversity in personality; one person’s dream of breaking records at 8000+ meter mountain peaks might very well be another person’s nightmare. Just look to your own relationships to see the countless examples of diversity in human personality. Yet in other ways, we can see our sameness; most of us get nervous before a big interview, just as we tend to find that others like similar things we do. In this podcast, we’ll explore personality: a person’s characteristic patterns of thinking, feeling and behaving. We’ll ask the great questions in personality science: why and how do we differ? These questions fuel the careers of personality researchers. Yet, personality researchers aren’t the only curious ones. Let’s go back in time.
Casual theories of personality date more than 3000 years. As Aristotle’s successor, called Theophrastus, put it: Often before now have I applied my thoughts to the puzzling question – one, probably, which will puzzle me forever – why it is that, while all Greece lies under the same sky and all the Greeks are educated alike, it has befallen us to have characters so variously constituted?
Today, the question is unsettled and researchers across many disciplines still puzzle over Theophrastus’ question: why do we differ? New scientific footings have offered some insights into the question. Our environment matters—studies in early life stress and adult behaviour hint to the role of the environment in explaining our differences. Fast-moving and sometimes controversial research suggests our genes matter too; research suggests that several genes may be responsible for personality variation. But why did evolution leave us with such variation? Wouldn’t an optimal personality be better than variation? A line of cross-disciplinary research across animals and humans suggests that there is no optimal personality; instead, some personality characteristics are costly or advantageous depending on the ecological context one finds oneself in. In the words of the behavioural scientist and leading researcher in this area, Daniel Nettle, “Life is partly the business of finding a niche where your personal characteristics work for you”. Making it work for you in evolutionary terms means ensuring the ultimately most important thing in life–reproduction and survival. Recall Nirmal Purja, the mountaineer, with his self-proclaimed lack of fear? His quest is noble and others might perceive it so, therefore enhancing his reproductive success (nerdy term alert: this means the chance of successfully passing along his genes to future offspring).
To understand how people differ, personality scientists design tests to measure personality. Objective tests assume that personality can be measured based on self-report.
One of the best-established ways to measure personality nowadays is through the big five personality trait approach (five-factor model of personality), which originated from a decade of research looking at individual differences. Researchers looked at data from hundreds of personality questions across many people and through a statistical technique called factor analysis, they found that five broad factors spelt with the acronym OCEAN—open-mindedness, conscientiousness, extraversion, agreeableness, and neuroticism—stand out in explaining differences in human personality. These factors, also known as traits, refer to systematic differences in how people differ. Factor analysis also identifies the lower level traits, known as narrow traits, which make up the broad traits. Thus, for each broad trait, there are a number of semantically-related narrow traits. There are no types, just traits measured like a gauge, with each person rating high or low. People who rate high in open-mindedness seek out novelty and they may be curious, imaginative, philosophical, and/or intellectual. Those high in conscientiousness, as you may imagine, are the goody-two shoes type. They’re dutiful, devoted, and diligent. Extraverts are the life of the party, reveling as the center of attention. Those high in agreeableness are thought to be altruistic, warm, and sympathetic. Lastly, those high in neuroticism are generally prone to experiencing negative emotions like fear and anxiety.
The test is known to be valid; it can help us predict a number of outcomes we care about, some we really care about–take longevity, for example. Being conscientious may increase your lifespan by several years. Not a bad trait to look for in a partner either, as conscientiousness (as well as agreeableness) in a partner is linked to greater relationship satisfaction. High levels of neuroticism, on the other hand, has been linked to shorter lifespans and negative outcomes affecting the quality of life, like greater use of physical and mental health services outcomes. Sounds horrible, right? Not so fast. Fear and anxiety are the ancient mechanisms protecting us from danger. That’s a big benefit when our survival depends on it, although it may be costly in other non-threatening situations. Even Nirmal the mountaineer needs an ounce of neuroticism to make sure he responds accurately to the potential threats he crosses in the mountains. Even agreeableness is a double-edged sword. Too much of it has been linked to a disorder called dependent personality disorder.
The Big Five can be pretty powerful. Personality insights based on the Big Five can be used as a marketing tool to target consumer audiences. That’s right; your personality can be detected based on the content and behaviours you display online. Good to know, right? For example, IBM’s Watson AI system can analyze text according to the five factors. Research from this has shown, for example, that individuals higher in openness are more likely to click on ads.
The Big Five is a data-oriented test measuring a number of traits thought to sufficiently capture ones personality. Yet no test is perfect, not even the Big Five. One critique is that the Big Five domains do not provide a complete description of personality. For the personality geeks out there, another test to look at is the HEXACO model, also commonly used to assess personality.
More information
· If you’re still feeling as curious after this primer, here are a few places to look next:
· The big five test is available for free or paid access on several websites. https://www.sapa-project.org/survey/survey2.php is an example of a freely accessible test.
· For extensive information on this topic, the personality project is an online compendium of webpages about personality. http://personality-project.org/· For a brief read on personality and a deeper look at the Big Five, Daniel Nettle has a wonderful book out called Personality : What Makes You the Way You Are